Inertia: la déréliction sentimentale

Noir et blanc. Plan d’ensemble. Un salon presque comme les autres. Un jeune garçon fait irruption dans la pièce (dans le récit filmique). Timidement, il sollicite la permission d’entrer (dans l’histoire). Il semble incertain et vacillant dans ses propos. Une fois installé à la table de son interlocuteur, Max (interprété par Simon Delicado) commence à s’exprimer : la diégèse se met en marche.
Inertia : une œuvre mélancolique, touchante, qui nous interroge. Ce court-métrage, en dépit de son instantanéité, prend le temps de dépeindre en détails son personnage central et laisse aussi au spectateur un sentiment de familiarité, comme si l’existence du protagoniste, malgré tout, le concernait.
En effet, comment ne pas s’interroger sur ses préoccupations, ses doutes, ses tourments, alors que la succession des plans met en lumière une relation chimérique, insufflant au récit sa morosité manifeste.
Car Inertia, c’est avant tout les souffrances d’un individu incompris, la peinture mouvante d’un garçon plongé dans la confusion par son inadéquation au monde. A l’instar du jeune Werther de Goethe, Max se tourmente de la réaction de sa bien-aimée qui, sans surprise, reste de marbre face à ses déclarations et supplications. Envoûté par l’Idéal, il sombre subitement dans le Spleen.
En somme, le court-métrage de Markus Hofer est l’histoire d’une solitude morale, d’une inertie dépressive dont la mise-en-scène exprime à merveille les symptômes. Max serait-il l’archétype de l’individu aliéné de notre monde moderne ?

Rayan Chelbani, membre du Ciné-Club de l’Université de Genève

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